Le procès de Bordeaux

Le 12 janvier 1953, après une instruction qui a duré près de neuf ans, le procès s’ouvre enfin devant le tribunal militaire de Bordeaux. Instruction difficile, faute de preuves précises, absence de responsables et, bien sûr, amnésie des accusés.

Sur 65 identifiés, 21 se présentent, la plupart en prévenus libres. Il y a 7 Allemands dont un adjudant, et 14 Français alsaciens dont un sergent engagé volontaire. Tous font partie de la sinistre division Das Reich, mais aucun officier. Le Commandant Diekmann est mort en Normandie. Le Capitaine Kahn a disparu en Suède. Le Général Lammerding a repris son métier à Dusseldorf. Intouchable, en zone d’occupation britannique, il se permet même d’envoyer une lettre au tribunal pour innocenter ses hommes : «ils n’ont fait qu’obéir aux ordres».

M. Brouillaud, président de l’Association Nationale des Familles des Martyrs d’Oradour-sur-Glane, conduit la délégation des témoins et parents des victimes. Ils font preuve de beaucoup de dignité dans leur immense douleur, ils n’ont pas de haine mais demandent justice.

L’acte d’accusation, qui qui tente de décrire l’horreur, est interminable. Les témoins, des rescapés, viennent à leur tour dire leur souffrance, et leur peine, toujours présents neuf ans après. Ils décrivent le pillage avant l’incendie, le massacre délibéré de 642 hommes, femmes et enfants, souvent brûlés vifs. Les accusés, dans cette ambiance d’horreur, sont calmes, ils attendent. Pas un mouvement de compassion devant les pleurs des parents de leurs victimes. Comme si ce procès n’était pas le leur. D’ailleurs, ils ne se souviennent pas. Ils ont monté la garde ; s’ils ont tiré, c’est sans viser…

Le 13 février 1953, le tribunal rend son verdict. D’abord les Allemands, l’adjudant est condamné à mort ; pour les autres, un est acquitté, cinq sont condamnés à dix et douze ans de réclusion. Le sergent alsacien, engagé volontaire, est condamné à mort. Les 13 autres alsaciens ont des peines de cinq à huit ans de prison. Ce jugement ne satisfait personne. A Oradour, on est accablé, écœuré. Les familles restent avec leur douleur, malgré tous les témoignages de sympathie arrivés de toute la France. En Alsace, la presse prend fait et cause pour les Malgré-nous, ce qui poussent les parlementaires à voter le 21 février une loi d’amnistie pour gracier les 13 condamnés alsaciens au nom de l’unité nationale. Le jour même, ils quittent la prison, libres, ainsi que les six soldats allemands ayant déjà accompli leur peine ; quant aux condamnés à mort, ils furent graciés quelques temps après.

En signe de protestation, Oradour a rendu à l’Etat la Croix de la Légion d’Honneur et la Croix de Guerre qui avaient été remises quelques années plus tôt. L’association Nationale des Familles des Martyrs fit ériger, à ses frais, un Tombeau pour recevoir les cendres des 642 victimes et fit apposer sur des panneaux, à chaque entrée de l’ancien village, les noms des parlementaires qui avaient voté l’amnistie.

 

Le procès de Berlin-Est

Le lieutenant Heinz Barth a vécu en R.D.A., dans son village natal, sous son vrai nom, sans être inquiété jusqu’en 1981. En pleine guerre froide, le Service de recherche des criminels de guerre l’identifie. Le procès s’ouvre à Berlin-Est le 25 mai 1983.

La délégation des témoins d’Oradour comprend cinq rescapés : MM. Hébras, Roby, Machefer, Beaubreuil et Darthout. Ils refont le récit de cet après-midi du 10 juin 1944 où un détachement de la division S.S. Das Reich a exterminé 642 victimes et détruit Oradour-sur-Glane. Ils redisent l’horreur, toujours dans les esprits et dans le cœur, quarante ans après. Barth reconnaît tout.

Non, ils n’ont pas trouvé d’armes à Oradour, pas plus que de maquisards. Les ordres avaient été donnés par le Commandant Diekmann, il fallait détruire la localité et ses habitants, y compris les femmes et les enfants.

Aucun regret. Il n’avait pas réfléchi, il avait obéi, « en temps de guerre, on opère avec toute la rigueur voulue et avec tous les moyens ».

Le verdict du 7 juin 1983 : réclusion à vie. En 1997, il fut finalement libéré pour raisons de santé.